
Je ressens toujours une vague forme d’amertume lorsque je vois des élèves qui sont venus me voir, m’expliquant qu’ils se faisaient harceler par des camarades, rire et s’asseoir, copains comme cochons, avec les mêmes camarades le lendemain.
Une amertume parfaitement déplacée.
Si le collège est un lieu si difficile, si âpre, c’est que l’on y apprend aussi la géographie des sentiments et des affects. Et des comportements paraissant à des adultes d’une grande brutalité sont la norme pour nos élèves. Pas parce qu’ils sont dangereux. Mais parce qu’ils apprennent. Et c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je tente – pas toujours avec succès – d’être cohérent dans mes réactions et mes façons d’être face à eux. Leur montrer comment fonctionne l’affect d’un adulte.
Ça implique aussi d’apprendre à réfléchir à soi. À ce bruit sous notre crâne, que l’on appelle pensée. C’est aussi pour ça que ce boulot est fatiguant : nos réactions ne sont pas qu’à nous. Elles sont un de leurs modèles.
Je l’avoue, parfois ça me fait un peu peur.