
Tara est arrivée il y a une semaine. Intimidée par ce grand collège, et toutes les histoires qui s’y sont déroulées, tout au long de l’année. Comment y trouver sa place ? Tara prend place, dans le cours de français. Aucune information sur son établissement précédent, sur sa personnalité, ses résultats, rien.
Après deux heures de cours, il faut se rendre à l’évidence : Tara sait à peine écrire, encore moins lire. Il reste moins d’un mois de « vrais cours », et il y a des kilomètres de travail à effectuer, tant de temps à passer avec elle.
Et c’est trop tard. Il y aura toujours l’année prochaine, bien entendu. Mais que pense-t-on, enfant, à être balloté de problèmes en établissements scolaires, à, chaque fois, devoir tenter de recoudre une histoire ?
Parfois, un déclic se fait, par un enseignant qui vous emporte, un amour heureux ou transi qui prendra un peu de son temps, un vieux voisin qui a des livres sur les papillons, une jeune voisine qui apprend elle aussi à lire. Je n’arrive pas à vivre sans garder bien caché l’espoir d’un heureux hasard.
« Mon Tara » aurait bien voulu savoir lire. On a repoussé des montagnes, à la recherche d’heureux hasards perdus, pour trouver, à deux pas de chez lui, un lieu où la mairie donnait des cours d’alphabétisation pour adultes. C’est lui qui aidait les mamans à réviser. Vrai de vrai, il a appris en trois mois et mis les bouchées triples. Bien sûr, il n’a pas pu tout rattraper -le peut-on vraiment ?- mais l’ovation silencieuse de la classe quand il a lu à haute voix le paragraphe qu’il avait choisi, il n’est pas près de l’oublier. Et moi non plus.