
Sur YouTube, un streamer commente un article au sujet de la future version de ChatGPT. Un outil révolutionnaire, capable de simuler l’empathie. Une IA qui pourra répéter, reformuler, encore et toujours jusqu’à ce que l’on comprenne.
« C’est super, se réjouit le streamer devant son public. Qui ici pourrait croire que les profs sont capables d’avoir de l’empathie pour tous leurs élèves ? »
Ça m’atteint, sans doute plus que de raison. Parce qu’en deux phrases, destinées à capter l’attention de son public, il a mis le doigt et laissé tomber une enclume sur un point capital de mon boulot. Souvent, je tente d’exprimer à des gens qui ne sont pas du métier à quel point celui-ci est fatigant. Et souvent, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose au tableau que je brosse. Or, peut-être est-elle là, la partie manquante : l’empathie. Deux, trois, huit heures par jour, j’ai l’esprit empli non seulement de ce que je voudrais que les élèves comprenne, mais également des liens que je tente de tisser avec eux. Et c’est un état de vigilance dont personne d’autre ou presque ne peut avoir idée. Toute la journée, on tente d’établir le contact. Trouver un moyen qu’Elisa comme Ismane suive. Il n’y a pas une seconde où l’on n’est pas en train d’en regarder un. De suivre le train de pensée d’une autre, pendant qu’elle élabore un raisonnement.
Ça se ressent physiquement : lorsque j’éprouve des douleurs, physiques ou psychiques, elles s’atténuent profondément quand je suis en classe. Parce que mon attention est toute entière tournée vers les élèves. Le mal-être attend sagement, à la porte de la classe, en regardant ses chaussures.
C’est pour ça aussi, sans doute, que je me sens aussi blessé lorsque sur les réseaux sociaux, fleurissent des harangues à l’endroit des profs qui n’ont rien à foutre de leurs classes. Profond sentiment d’injustice. C’est immature, j’en suis bien conscient. Ce ne sont que les réseaux. Et bien sûr que certains collègues doivent refuser de se faire des nœuds au cerveau quant à ce qu’ils transmettent.
Quand bien même.
Est-ce que je suis devenu un vieux rétrograde ? Qui tremble que la technologie lui arrache ce qu’il croit construire au quotidien ? Pourquoi, lorsque je tente de réfléchir à cette question de façon rationnelle, tout ce qui surgit, c’est une vague de cafard grisâtre ? Elle me plane au-dessus des épaules. Alourdie par les fantômes des élèves que j’ai choisi de porter au quotidien. C’est fatiguant, mais je me disais que c’était quelque chose d’important, d’essentiel. Quelque chose qui contribuerait à étayer un peu le monde.
Alors que peut-être pas.
tu n’as pas à trembler, l’IA n’en est pas encore là et n’en sera sans doute jamais là…
Et tu fais très très bien ton métier (je suis nulle pour être emphatique, mais je sais ce qu’est l’empathie, alors ça va)
PS : c’est Kalys, je ne comprends pas pourquoi je dois me connecter à wp pour poster un commentaire avec mon adresse mail, bref, désolée.
Zut alors, mon premier message n’est pas passé. Tu peux supprimer celui qui dit « c’est Kalys » du coup, car ce n’est pas moi qui ai écrit le message au-dessus… Je referai une tentative ce soir. Grrr.
Bon, troisième tentative 🙂
Ce que j’essayais de te dire, c’est que le commentaire du streamer me paraît surtout démontrer sa totale ignorance, et peut-être une pointe d’auto-complaisance, en mode « moi les profs me détestaient, parce que je suis hors système, voilàààà ».
On fait de notre mieux. Et oui, c’est épuisant. Qu’un ado, un jeune adulte en face de nous ne s’en rende pas compte, c’est normal et c’est tant mieux – ce n’est pas leur problème. Mais que des gens qui n’ont aucune idée de qui nous sommes, et qui en plus généralisent, disent ce genre de choses, oui c’est blessant et injuste. Partant de là, je pourrais écrire « Qui ici pourrait croire que les streamers sont capables de tenir des propos intelligents ? » Une telle remarque serait d’une stupidité abyssale. Ben c’est pareil 🙂
Kalys
Merci beaucoup ! C’est un peu ce que je me suis dit en regardant cette vidéo… Avant de me laisser emporter par mes pensées et de tenter de tirer un peu de réflexion de ma mauvaise humeur. ^^