Samedi 21 octobre

Ils sont partis, après leur évaluation. Enfin en vacances. Ils sont partis, mais pas aussi vite que ce que j’aurais cru. Quelques élèves traînent dans la salle pendant que je trie leurs copies – je me mets mentalement un couteau sous la gorge afin de rester organisé cette année – et me posent des questions sur leurs contrôles, les livres qu’ils ont lu ce mois-ci, ou un point de cours.

C’est le premier moment un peu plus doux.

On ne va pas se mentir, je suis aussi angoissé qu’eux, en ce début d’année. J’ai beau apprécier ce que je vis, leur intelligence qui se déploie, le fait de tenter de nouvelles arpèges dans mon métier, j’ai peur. Peur de mal faire, de les assommer de boulot ou de ne pas leur en donner assez, peur d’aller trop vite ou trop lentement, peur, en fait, de cette course à l’aveugle qui est constitutive de notre métier.

« Vous l’avez lu, Le roman de la momie, monsieur ? C’est là-dessus que je vous rends mon podcast littéraire. »

Pour la première fois, avoir le temps parce qu’ils ne doivent pas filer en cours ou que je ne dois pas sauter dans ma voiture pour gagner mon autre bahut. Pour la première fois, confirmer ce que je soupçonnais : ils ont l’air d’être de belles personnes.

La salle est assez moche. Blanche, un peu vétuste, sans aucune décoration au mur. Seul un post-it en allemand, près d’un conduit d’évacuation d’air : Luft.

Pour la première fois, prendre le temps de respirer, en leur compagnie. En espérant que ce ne soit pas la dernière.

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