Vendredi 19 avril

Avec la gentillesse propre à Twitter, un usager a diagnostiqué que j’entretenais un « rapport obsessionnel un peu pathétique » envers mes élèves.

Sur l’échelle des amabilités que je reçois quotidiennement via ce réseau, celle-ci tape à peine un 3/10. Toutefois, elle a l’avantage de me permettre une petite introspection : suis-je « obsédé » par mes élèves ? Si je rapproche ma relation à eux avec ce que j’ai de plus voisin dans mon existence, je dirais que mes élèves sont un chaman, un guerrier et un chevalier de la mort.

Promis, je n’ai pas – trop – bu, je m’explique. En 2020, j’ai passé énormément de temps à jouer à World of Warcraft, parce que je m’étais fait trois amis. Qui jouaient les trois personnages cités ci-dessus. Moi-même, j’étais le prêtre, le guérisseur de la troupe. Et lors des soirées que nous passions ensemble, maintenir en vie ce petit groupe était ma préoccupation principale. L’intégralité de mes pauvres réflexes et de mon attention était toute entière dirigée vers ces petits êtres de pixels, dont les voix me résonnaient au casque. En voir un tomber, me rendre compte que j’avais mal anticipé, que je m’étais mal placé, que, par ma faute, notre progression dans ce donjon retors était compromise me tordait le bide.

Et puis je quittais le jeu et je pensais à tout autre chose. J’en parlais parce que c’était une expérience sociale intéressante.

Ça n’est pas bien différent, quand je bosse. Mon souffle en rythme de cette heure de cours qui se déroule comme un labyrinthe en terre d’Azeroth. Ces élèves qui lancent leurs sorts le long des copies. Moi, un peu en retrait, qui tente de stabiliser, de permettre que l’aventure arrive à son terme.

Et puis le collège, le lycée ferme. Les vacances débutent.

Mes priorités changent. Je suis autre. Je raconte mes runs dans WoW et mes anecdotes de prof. Qui sont moi, bien entendu. Moi. Cet amas de rapports obsessionnels un peu pathétiques.

Ainsi soit-il.

Une réflexion sur “Vendredi 19 avril

  1. En même temps, perso ça me semble logique d’être un poil obsédés par nos élèves, hein. Je vois pas comment faire du bon boulot sans y penser.

    Et si cet « usager » avait un gosse dont tu étais le prof, il t’adresserait des mails injurieux et/ou menaçants s’il soupçonnait que tu ne t’intéressait pas assez à son gosse, alors bon.

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