Samedi 27 avril

Course d’orientation avec E., que j’ai rencontré il y a quelques années, lors de mon premier remplacement temporaire au lycée. E. est une sorte de machine absolue : il crée des cours délirants (ne le lui répétez pas, mais j’ai pu jeter un coup d’œil dessus), conseille des collègues, est coordinateur de discipline. E. manque aussi terriblement de confiance en lui. Les compliments lui rebondissent dessus avec un petit couinement triste.

Et tandis qu’on roule, à la recherche de QR Codes disséminés dans une forêt pour le moins boueuse – le mois d’avril n’est pas spécialement ensoleillé en Bretagne, aussi étonnant que cela puisse paraître – on échange nos incertitudes. Que l’autre est capable de démonter, les unes après les autres. Comme ils paraissent grotesques, les complexes de l’autre, quand on voit ce dont il est capable. Évidemment, je ne le lui dis pas comme cela. Mais, comme la remise en question permanente est essentielle, dans ce boulot, être lucide sur nos forces est également essentiel. Pas seulement pour nous. Pour nos élèves également. Entrer en cours le cœur battant, certain qu’on n’est pas légitime n’est pas bon. Ni pour nous, ni pour nos élèves. Pas plus qu’être certain, semaine après semaine, qu’on prêche de la bonne façon, une parole inattaquable. Cet équilibre, cette ligne de crête n’est pas seulement un idéal. C’est aussi une hygiène mentale. Que je parviens rarement à atteindre, de mon côté.

Ou alors, il faut que ce soit sous la pluie, maculé de boue, à enjoindre quelqu’un à croire en lui.

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