
Evilan a déjà trois mots dans son carnet et une retenue à venir, pour avoir séché un cours et avoir menti. Evilan fait des balayettes à ses camarades dans les couloirs, se moque des profs quand ils lui tournent le dos, Evilan hausse les épaules quand on tente de lui parler, Evilan se fout royalement de tout.
À en croire son passé scolaire, toutes les sanctions ont déjà été appliquées, dans une indifférence totale de sa part, à en croire ses parents, Evilan a déjà eu toutes les punitions possibles. Et il n’est qu’en sixième. Depuis à peine une semaine.
À ce stade, la vie d’Evilan n’est qu’une longue suite de rétorsions.
Bien entendu, ce genre de CV pousse les profs prétentieux et un peu naïfs, comme moi, à revêtir leurs plus beaux atours de chevaliers, pour tenter de le sauver. Le petit bonhomme est bloqué dans cette spirale de sanctions, il a besoin d’en être sauvé, extrait, pour faire briller la lumière intérieur qu’il renferme.
Sauf que chaque tentative se solde par un pied-de-nez métaphorique de sa part. Evilan rigole de toute tentative de lui tendre la main, de lui donner des responsabilité, de le considérer autrement que comme un môme ultra-pénible.
À peine une semaine, et Evilan pose déjà la question pénible, redoutable : que fait-on de ceux qui refusent de se repentir ? Ceux à propos on s’entend régulièrement dire : « Oui, ben s’il ne veut pas être là, il dégage. » Ceux dont on aimerait qu’ils ne soient pas là, ceux dont on veut se dé-ba-ra-sser.
La nullité de cette solution apparaît immédiatement : il n’existe pas de gouffre tout noir, d’oubli bien pratique, où l’on peut flanquer ceux et celles qui refusent de rentrer dans le rang. La solution face à un môme insupportable, on l’aimerait rapide, expéditive, exemplaire. Alors qu’elle sera, compliquée, brouillonne, complexe. Comme la réalité. L’immaturité et la méchanceté d’Evilan nous mettent, nous adultes, à notre envie d’être immatures et méchants. On aimerait qu’il en bave, aussi, il le mérite après tout.
Sauf que non.
Sauf qu’on doit espérer trouver une place pour chaque Evilan. Comme on en trouve pour tous ceux qui, oui, jouent le jeu, tentent de faire au mieux, paisiblement. Nous n’avons pas le luxe, quand nous travaillons avec des mômes, de trier. Parfois on voudrait. Ce serait paisible et épouvantable.
Comme tous les ans, on va chercher. Et tenter, de toutes nos, forces, de fabriquer une issue heureuse.
Le prénom est tellement proche d’un de mes élèves 🤣
respect pour votre approche. En tant qu’ancien professeur de lettres, je vois tellement de quel type d’élèves vous parlez. Aucun conseil à vous donner. Juste mon expérience. La patience ferme, la ténacité dans nos demandes, la cohérence dans nos demandes, la gratification de l’effort sans démagogie arrivent souvent à pousser un élève à vouloir bien faire. Découvrant que lui aussi peut faire, créer… Il m’est aussi arrivé d’admettre avec l’élève que ce n’était sûrement pas la bonne année pour nous rencontrer. Pas de rancoeur, juste un profond regret de n’avoir pu le sortir de son enfer. Bon courage à vous!