Épines dorsales

Tout autour de moi, elle s’insinue. Masquée, et multiple, la maladie, jamais aussi bien nommée. Maladie, mal à dire, qui déforme les corps et les vies, et les bouches des médecins quand ils prononcent des suites de syllabes sans fin : fibromyalgie, polyarthrite, spasmophilie. Étymologies douteuses, même le langage perd son pouvoir. Les mots glissent, impuissant à nommer.

Seule subsiste la douleur des aimés. Les muscles et les os, qui brutalement en fleurs néfastes éclosent. Les points, désignés du doigts, les frottement contre le pull :

« Ici c’est comme une barre. »

« C’est comme si on me donnait des coups. »

« Des aiguilles dans les articulations. »

« Ça ne s’arrête jamais. »

La souffrance qui avance masquée. Qu’on ose à peine nommer, parce que, au fond, ça n’est pas grave, c’est juste des douleurs, il y a tellement, tellement pire.

La souffrance qui devient quotidienne. Qu’on a de plus en plus de mal à entendre, parce que, c’est comme tous les mots, toutes les phrases répétées, on s’y habitue, tandis que eux, qui portent les grandes ailes lourdes de leurs corps amochés, ils frappent derrière la paroi de verre, toujours plus embuée.

« Ça va ?
– Oh, tu sais, comme ça. Toujours les douleurs.
– Bon, mais au moins ça n’empire pas. »

Les maladies sans nom, le corps soudain adversaire, soudain en pleurs, soudain dissocié. Apprendre à vivre avec, en espérant vivre sans. Et c’est comme la mousse, ça recouvre et ça jaunit, mais ça ne part jamais vraiment.

Tout autour de moi, de ceux que j’aime, maladies absurdes et muettes. Qui entoilent de gris les traitements et les jours qui passent.

En attendant. En attendant quoi.

(source de l’image)

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