Christine Angot et le plan B

En fait elle a gagné.

Quelle que soit la tournure que prenne les événements, quelles que soient les voix qui s’élèvent, quelle que soit la pertinence de ses contradicteurs, Christine Angot sortira victorieuse de la sortie médiatique qu’elle a eu samedi dernier lors d’une émission débile, que je ne nommerai ni ne mettrai en lien, pour ne pas lui faire de la pub.

Dans cette émission, donc, Christine Angot explique qu’être artiste est le résultat d’un échec, un plan B en quelque sorte.

Et le piège se referme.
Le piège, c’est d’oublier que dans un monde où la parole a de moins en moins de valeur, Christine Angot est écrivain. Qu’elle fréquente les mots, et qu’elle connaît leur parole.

La provocation est parfaitement trouvée. « Être artiste, c’est toujours un plan B. » Phrase minimale, thème en tête, propos en fin. Verbe être, le plus simple. Opposition entre un état estimé, presque mythique, celui d’artiste, et la trivialité d’une expression récente. Plan B.

L’explication donnée ensuite est générale. Suffisamment vague pour permettre des débats sans fin, suffisamment grotesque pour soulever l’indignation et ne pas demander à Angot de préciser sa pensée. Et déjà, la parole s’emballe. Que fleurissent les hashtags, l’indignation des uns, et les explications de chevaliers blancs se portant à son secours.

L’écrivaine a lancé sa généralité au bon moment, au bon endroit, et tape précisément. Et on parle de ça. Énormément. À une époque où la quantité l’emporte très largement sur la qualité, elle ne pouvait pas espérer meilleur résultat. Christine Angot remporte cette manche, ses paroles mordent. Elle plonge le terme d’artiste dans une eau trouble, accule à la défensive. Et tandis que nous tentons de le repêcher, nous faisons sa publicité. Moi compris, avec ces mots dérisoires.

Alors que je devrais hausser les épaules et sourire. Me remettre au clavier. Et couvrir le blanc de mots précis. En me demandant pourquoi, l’espace de quelques secondes, j’ai pu laisser quelqu’un m’impressionner, juste parce qu’elle parle fort, juste parce qu’elle outrage, juste parce qu’elle se trouve face caméra. Juste parce qu’elle a eu la bonne réplique au bon moment.

J’ai du travail. Comme tous ceux dont on discourt n’importe comment sur de tristes plateaux de télévision. Comme tous ceux qui inventent.

Un point pour Christine Angot. Mais à présent, l’oubli.

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