Griffures

« Pourquoi tu t’es infligé ça ? »

La question que je me pose quand, sur la table d’Hugo le tatoueur, je dois me taire pour me concentrer sur la douleur. Que je me pose les soirs où il y a eu un beau gâchis de sang et de lymphe, sur ma jambe et mon bras. Que je lis en frissonnant que l’autre non d’un tatouage c’est « effraction cutanée ».

C’est la question que me pose, sans aucune malveillance, V., une copine de la famille. Et que je me trouve en peine de répondre.

Esprit d’escalier jusqu’au bout. Le soir même, je trouve la réponse.
C’est l’un de ces soirs où je ne suis pas chez moi. Où trop de choses se croisent. Fatigue et début de vacances, maison des grands-parents, terriblement familière, pas vraiment accueillante. Je me glisse au lit, la tête martelée d’histoires les miennes et mille autres.

Sensation mille fois ressentie, jamais apprivoisée : celle que je me disperse. Que mes pensées s’égrènent dans les draps à fleurs, sous le plafond inconnu. Je vivrai ectoplasme pour les jours à venir.

Et puis mon regard se pose sur l’encre qui me recouvre le mollet. Cette grande cicatrice noire que j’ai choisi de me faire tracer sur la peau.
Nuage de lucioles. Les fragments de moi dispersés se condensent. C’est toi. Tu es ici, tu es ainsi, tu as choisi de donner à ta forme physique cette marque, pour ne pas t’oublier. Tu portes le Mat et la Lune, et, même si ça n’est que pour toi, surtout si ce n’est que pour toi, il y a un sens.

Alors, erre. Par effraction cutanée.

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