Cher Matt : 35

Cher Matt,

Ça fait combien maintenant ? Trois ? Quatre fois que je t’écris ? Le temps qui passe impitoyable. Tu n’es plus le Docteur, bientôt plus l’avant-dernier. Je ne suis plus un prof débutant, balbutiant ses cours.

Et à un cheveu, désormais, d’attraper trente-cinq ans. Toi et moi.

Je me demande, encore, toujours, je me demande. Comment tu le vis, toi, ce vingt-huit octobre. Est-ce que, toi aussi, dans cette vie d’homme – on est obligé de dire d’homme, maintenant, Matt, on n’a plus le choix – tu commences à sentir ? Le corps qui, sans défaillir, commence à te souffler qu’elle est lourde, lourde la charge de faire fonctionner tous ces organes compliqués. Qu’un jour, dans le futur, quelque chose déconnera peut-être, qu’il faut faire attention.

Est-ce que, toi, aussi, tu as ces impressions, c’est pareil en français et en anglais, de déjà-vu ? Les situations de ta vie, bonheurs et chagrins, qui reposent toujours un peu sur les mêmes piliers. Toujours les mêmes lâchetés, toujours les mêmes succès. Il n’y a pas longtemps, je me suis fait tatouer le Mat sur le bras. Mat, Matt. Putain je viens de m’en rendre compte. Le Mat, le voyageur aux possibilités infinies, qui meurt et renaît sans cesse, parcourant toujours le même chemin. Mais jamais de la même façon. Voir la roue qui tourne et mobiliser toutes ses forces à inventer une autre façon d’interpréter nos éternelles faiblesses, notre éternel sublime.

Trente-cinq ans demain, Matt. Et plus une minute à perdre. Je suppose que pour toi, ça va sans dire, la vie d’un acteur, c’est un mouvement perpétuel. Ma vie à moi, c’est toujours la même énigme, tu sais. Même si je commence à en trouver les clés. Même si j’ai voyagé avec un compagnon durant deux saisons et qu’on espère que la troisième sera la meilleure, c’est souvent la meilleure, dans Doctor Who, la troisième saison d’un comédien.

Je te souhaite à nouveau trois-cent-soixante-cinq jours qui te permettront de poursuivre ce voyage à arracher le sens aux mots et à la poussière. Je me souhaite de parcourir, inlassable, la route. D’un vingt-huit octobre à l’autre. D’un instant de vie à l’autre.

Bon anniversaire.

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