La Seine et moi

Elle sort de son lit / Tellement sûre d’elle

J’ai marché trop vite jusqu’à la passerelle. Gourmand et coupable, parce que je ne devrais pas, avoir sous le crâne, la crasse de mes pensées qui reflue. Le noir transpercé de traînées lumineuses.

Rien à faire.

La joie pure et invincible.

À mes pieds, l’eau, sereine, déborde. Et se noient les pierres, les arbres. Les poubelles rouillées ont disparu.
La Seine est en crue.

Et j’absorbe de toutes mes pupilles, de tous mes pores, la merveilleuse métamorphose, le sortilège lancé par  l’eau boueuse. Paris plus simple, Paris libéré du sol, Paris moins lourd. À quelques perspectives simples rendues. Les péniches flottent, un peu abasourdies, impuissantes.

Nous ne pouvons rien. Nous ne pouvons rien.

Les mots exultent à tel point qu’ils se frayent un passage jusqu’aux cordes vocales, que je les prononce. À peine, mais ça suffit.

Nous ne pouvons rien. Il suffit qu’un jour les eaux montent. Sans cris et sans peur. Alors l’un après l’autre, ils seront engloutis. Les vestiges et les causes de nos douleurs. Jusqu’au grand silence. La mer, qui toujours flux et reflux dans ma poitrine me chuchote que c’est la même eau. Qu’elle est ici aussi invincible. Même si elle a appris, dans la ville des hommes, à taire ses hurlements guerriers.

Les berges et les constructions s’engloutissent. Il y a des dégâts. Matériels, humains peut-être. Ma raison souffle et proteste. Muette.

Je me laisse porter par les flots qui, calmement, montent. N’émergent bientôt plus que l’essentiel. Mes premiers pas dans la ville. Quelques phrases soulignées au coin de pages. De la musique. Une poignée de visages.

Et le silence.

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